
Peut-on enregistrer une conversation à l’insu d’un tiers pour prouver un fait ?
Publié le :
01/09/2025
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Dans un monde où l’enregistrement d’une conversation peut se faire discrètement depuis un smartphone, nombreux sont ceux qui se demandent si une preuve obtenue à l’insu d’un tiers est recevable en justice.
Bien que l’intention première ne soit pas de porter atteinte à la vie privée, mais bien d’obtenir un élément de preuve, ce procédé fait l’objet de nombreux débats.
Maître Cirier, avocat dont le cabinet est implanté sur trois sites (LES SABLES-D'OLONNE, LA ROCHE-SUR-YON et CHALLANS), vous explique les règles applicables.
État des lieux : les conversations clandestines sont-elles admises dans le cadre d’un procès ?
Devant les tribunaux civils, la production d’un enregistrement réalisé à l’insu d’un tiers est en principe écartée. Considérée comme une atteinte à la vie privée, cette méthode est jugée déloyale, au regard de l’article 9 du Code de procédure civile.
En outre, son auteur s’expose à des sanctions pénales : un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (article 226-1 du Code pénal).
Toutefois, devant le juge pénal, le régime est bien plus souple. En vertu de l’article 427 du Code de procédure pénale, tous les moyens de preuve sont admis. Ainsi, la Cour de cassation a validé à plusieurs reprises ces enregistrements, dès lors qu’ils permettent d’établir la réalité d’une infraction (Cass, crim. 31 janvier 2012, n°11-85.464).
Vers un assouplissement en matière civile ?
La jurisprudence évolue et a pu accepter certains enregistrements au regard de leur nature. En effet, ces preuves ont pu permettre de garantir que le tiers avait connaissance que les échanges étaient sauvegardés (SMS, MMS, mail, échange sur une messagerie instantanée ou encore sur un répondeur).
Pour le reste, de nombreuses critiques dénonçaient que cette interdiction venait restreindre la production de preuve dans certains cas. En effet, dès le moment où le tiers a connaissance d’un enregistrement, ce dernier ne dira et ne fera rien de compromettant, rendant ainsi l’obtention d’une preuve complexe…
Désormais, la preuve déloyale fait l’objet d’un réexamen au cas par cas. Un tournant a, en effet, été amorcé avec un arrêt de la chambre sociale du 25 novembre 2020 (n°17-19.523), qui introduit un contrôle de proportionnalité.
Le juge doit désormais analyser :
- L’intérêt légitime à prouver un fait ;
- L’existence ou non d’alternative pour obtenir la preuve ;
- Le caractère proportionné de l’atteinte à la vie privée.
Quelle est la position actuelle de la Cour de cassation ?
Ces dernières années, la jurisprudence admet de plus en plus ces preuves au regard du contrôle de proportionnalité.
En décembre 2023, la formation plénière de la Cour de cassation a confirmé ce virage : la déloyauté dans l’obtention d’une preuve ne suffit plus à l’écarter, si cette dernière est indispensable à l’exercice du droit de la preuve (Cass, assemblée plénière. 22 décembre 2023 n°20-20.648). Elle déclare en effet que « la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats ».
Ce principe a été réaffirmé en janvier 2024, dans une affaire sociale, où un enregistrement clandestin a été jugé recevable, car justifié par l’enjeu du litige (Cass, soc. 17 janvier 2024, no 22-17.474). Sa production était ici indispensable à l’exercice du droit de la preuve, et l’atteinte était proportionnée au but poursuivi.
CIRIER Avocats Associés
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