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Pourquoi Quick a-t-il perdu sa marque « Giant » ?

Pourquoi Quick a-t-il perdu sa marque « Giant » ?

Publié le : 06/09/2021 06 septembre sept. 09 2021

La validité d’une marque dépend de plusieurs critères, dont celui d’un caractère distinctif, exigence qui permet d’identifier la marque en la distinguant parmi les autres produits ou services proposés par des concurrents. Ainsi, le consommateur ne peut pas la confondre avec d’autres marques. Le caractère distinctif d’une marque peut également être acquis par l’usage après son enregistrement.
En début d’année 2021, le célèbre géant du burger Quick a fait les frais d’un manque de caractère distinctif de sa marque « Giant », puisqu’en attaquant un concurrent en action contrefaçon il a finalement perdu le procès, et la marque qu’il défendait s’est vu déclarer nulle. 
 

Les faits en question

La société française Sodebo dépose le 3 février 2011 auprès de l’INPI la marque « Pizza Giant Sodebo » pour désigner divers produits dans les classes 29 et 30, et commercialise dès le printemps 2011 des parts de pizza individuelles sous la dénomination « Pizza Giant ». 

La société de droit belge Quick restaurants, société mère du groupe Quick, titulaire de la marque internationale couvrant la France « Giant », enregistrée le 14 juin 2006 auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (l’OMPI), désignant des produits alimentaires et services de restauration dans les classes 29 et 30, assigne la société Sodebo en annulation de la marque « Pizza Giant Sodebo », en contrefaçon de la marque « Giant » et en concurrence déloyale et parasitaire.

La société Sodébo réplique alors au titre de demande reconventionnelle et sollicite la nullité de la marque « Giant » pour défaut de caractère distinctif. 

À l’issue d’une procédure de 8 ans qui aboutit le 27 janvier 2021 devant la chambre commerciale de la Cour de cassation, c’est finalement la société Sodebo qui sort gagnante, puisque la Haute juridiction effectue l’analyse suivante : 
 
  • La marque GIANT est dépourvue de caractère distinctif à l’égard des produits visés à l’enregistrement (plats de fast-food notamment), désignant l’une de leurs caractéristiques ;
  • Dans le domaine des hamburgers, les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement en langue anglaise ;
  • L’adjectif « giant » est nécessairement compris par le consommateur francophone de produits alimentaires et de restauration comme signifiant géant et, par extension, énorme ;
  • La banalité de l’usage des termes « long », « big », « double » dans le secteur du fast food impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu’aucun concurrent ne puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession ; 
  • La société Quick n’apporte pas la preuve que le signe a acquis un caractère distinctif par l'usage à la date de la contrefaçon alléguée contre la société Sodebo, malgré un sondage versé aux débats, établissant à 44 % le nombre de Français qui associent le mot « giant » à une marque ou à un produit, lorsque ce sondage a réalisé plus de deux ans après les faits de l’espèce.

Par conséquent, la marque « Giant » est dépourvue de distinctivité, car pour le consommateur, elle n’est pas forcément identifiée en tant que marque, mais plutôt comme une caractéristique quantitative des produits vendus
 

Les leçons à en tirer

D’une part, l’arrêt rendu par la Cour de cassation permet de rappeler que conformément à articles L 711-2 Code de propriété intellectuelle, une marque qui n’est pas valablement enregistrée est susceptible d’être déclarée nulle lorsqu’elle prend la forme d’un signe « constitué exclusivement par la forme ou une autre caractéristique du produit imposée par la nature même de ce produit, nécessaire à l'obtention d'un résultat technique ou qui confère à ce produit une valeur substantielle ».
Une telle disposition permet d’empêcher toute réservation de termes génériques utiles pour une concurrence saine

D’autre part, cette décision constitue une véritable mise en garde, tant elle avertit le propriétaire d’une marque « fragile » qui agit en contrefaçon sur le fondement du parasitisme sans éléments solides pour fonder sa demande, du risque de finalement perdre son droit d’usage sur la marque. En cas de rejet de sa demande, il s’expose à une double peine compte tenu du risque que son adversaire formule une demande reconventionnelle en nullité de marque : la perte du procès et la perte de sa marque. 

Prudence donc à celles et ceux qui auraient des velléités procédurières un peu trop téméraires et bien sûr, à leur conseil, dont la responsabilité civile professionnelle pourrait être engagée.


ELCY Réseau d'avocats

Référence de l’arrêt : Cass. com 27 janvier 2021 n°18-20.702

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