Lutte contre les déserts médicaux : le Conseil d’État refuse d’imposer des mesures coercitives
Publié le :
06/11/2025
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2025
Dans une décision rendue le 1er octobre 2025, le Conseil d’État a rendu une décision particulièrement intéressante concernant l’articulation entre le pouvoir du juge d’enjoindre à l’administration de prendre des mesures pour faire cesser une situation et la mise en œuvre d’une politique publique.
En l’espèce, l’Union fédérale des consommateurs – Que Choisir avait sollicité, par un courrier du 13 juillet 2023 adressé à la ministre de la Santé, que soient instaurées des mesures afin de lutter contre les déserts médicaux, en mettant en place un conventionnement territorial des médecins empêchant leur installation dans des zones plus dotées en praticiens que la moyenne.
Devant le Conseil d’État, la fédération requérante demandait l’annulation du rejet implicite de sa requête ainsi que le prononcé des injonctions découlant de cette annulation.
Le Conseil d’État a rejeté le recours formé par la requérante. Il a rappelé, d’une part, que le juge est fondé à prescrire des mesures à l’encontre d’une administration lorsque le refus de cette dernière est entaché d’illégalité.
D’autre part, il a ajouté qu’il n’appartient toutefois pas au juge administratif de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou leur enjoindre de le faire.
La solution rendue n’est pas sans rappeler le principe fondamental de la séparation des pouvoirs élaboré par Montesquieu, dont les mots célèbres resteront gravés dans le marbre :
« Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
Dans une approche plus contemporaine, cette solution s’inspire directement d’un arrêt rendu presque deux ans auparavant, le 11 octobre 2023 (Conseil d’Etat du 11 octobre 2023, n° 454836), dans lequel le Conseil d’État avait été saisi de demandes visant à faire cesser la pratique des contrôles d’identité discriminatoires.
Les juges du droit avaient alors rejeté le recours, estimant que les demandes formulées revenaient en réalité à solliciter une redéfinition des politiques publiques.
Par cette décision, le Conseil d’État rappelle où se situe la frontière entre une mesure d’injonction et une redéfinition des politiques publiques.
Cette frontière peut parfois se révéler particulièrement ténue. La Haute juridiction avait déjà imposé, en 2017 (Conseil d’Etat du 12 juillet 2017, n° 394254), à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’établir, pour douze zones, un plan relatif à la qualité de l’air, conformément au droit européen.
Elle avait également enjoint à l’État de prendre un décret concernant le mandat de protection future, sept ans après l’entrée en vigueur de la loi (Conseil d’Etat, du 27 septembre 2023, n° 471646).
Il convient toutefois de relever que l’arrêt commenté précise que le juge peut enjoindre à l’administration de prendre des mesures en cas de méconnaissance d’une obligation légale. Dans les décisions précitées, le Conseil d’État justifiait ainsi son intervention par l’existence d’une norme imposant à l’administration le respect de ses obligations.
En l’espèce, aucune loi ne contraignait l’État à mettre en œuvre de telles mesures pour lutter contre les déserts médicaux.
Ainsi, cet arrêt marque un peu plus clairement la frontière entre une simple demande d’annulation et une tentative de remaniement des politiques publiques.
Il rappelle aux requérants l’importance de bien définir leurs griefs sans empiéter sur le champ de l’action politique.
DEVARENNE Associés Grand Est
Référence de l’arrêt : Arrêt du Conseil d’Etat du 1er octobre 2025, 1ère - 4ème chambres réunies, n°489511
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