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ENVIRONNEMENT – Préjudice écologique et produits phytosanitaires : compétence du juge judiciaire et point de départ de la prescription précisé

Publié le : 21/11/2025 21 novembre nov. 11 2025

Cass. Civ 3ème du 13 novembre 2025, n°24-10.959

La Ligue de protection des oiseaux (LPO) engage une action en réparation du préjudice écologique causé par l’imidaclopride, insecticide de la famille des néonicotinoïdes, en visant plusieurs sociétés commercialisant cette substance.

Les entreprises soulèvent plusieurs arguments. L’appréciation des fautes par le juge judiciaire conduirait nécessairement à substituer son appréciation à celle de l’autorité administrative qui a délivré l’autorisation de mise sur le marché, et cette substitution violerait le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires (loi des 16-24 août 1790, décret du 16 fructidor an III). La compétence appartiendrait au juge administratif, car les manquements invoqués porteraient sur l’évaluation du risque, la sécurité des substances, et le rapport bénéfice risque apprécié lors de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Au sujet de la prescription, les sociétés soutenaient que l’action en préjudice écologique (article 2226-1 du Code civil) se prescrit 10 ans à compter de la connaissance de la manifestation du préjudice. Or, les premières manifestations étaient publiquement documentées dès avril 2011, dans un rapport de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). La LPO aurait dû agir avant 2021.

La Cour de cassation affirme que l’action en réparation fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux dirigée contre une personne de droit privé, relève de la compétence du juge judiciaire, même si le produit en cause bénéficie d’une autorisation administrative. L’action en préjudice écologique des articles 1246 et suivants du Code civil peut être engagée devant le juge judiciaire contre toute personne de droit privé, y compris celle exerçant une activité autorisée par l’administration. Le juge judiciaire est compétent pour les préjudices causés aux tiers par une activité autorisée, à condition de ne pas apprécier la légalité de l’autorisation.

La Cour de cassation rejette également le moyen tiré de la prescription, en retenant que le délai de dix ans, prévu à l’article 2226-1 du Code civil, ne commence à courir qu’à partir du moment où existent des indices graves, précis et concordants révélant l’imputabilité du dommage. Elle approuve la Cour d’appel d’avoir fixé cette date à 2014, année de publications scientifiques établissant clairement la toxicité de l’imidaclopride pour la biodiversité, de sorte que l’action engagée en 2021 n’était pas prescrite.

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