PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE – Action en contrefaçon et responsabilité contractuelle
Publié le :
06/10/2022
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Cass. civ 1ère 5 octobre 2022 n°21-15.386
La Cour de cassation vient de rappeler qu’en vertu du droit européen, en matière d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle résultant d'un manquement contractuel, si elle agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société victime d'une violation de ses droits est recevable à agir en contrefaçon.
Une société à l’origine de la conception d’un logiciel permettant la mise en place d'un système d'authentification unique, diffuse ce dernier sous licence libre et licence commerciale contre paiement de redevances ;
À la suite d’un appel d’offres de l’État pour la réalisation du portail dénommé « Mon service public », une entreprise française fournit une solution informatique, laquelle propose une plateforme logicielle qui intègre le logiciel de la première société.
Cette dernière qui assigne la seconde en contrefaçon de droit d’auteur et parasitisme, est déboutée de sa première demande jugée irrecevable par la Cour d’appel, au motif que « lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un acte de contrefaçon, l'action doit être engagée sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle prévue à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'en revanche, lorsque le fait générateur d'une atteinte à un droit de propriété intellectuelle résulte d'un manquement contractuel, le titulaire du droit ayant consenti par contrat à son utilisation sous certaines réserves, seule une action en responsabilité contractuelle est recevable par application du principe de non-cumul des responsabilités ».
Sanctionnant cette position, la Cour de cassation se prononce au visa de plusieurs dispositions :
- L’article L 335-3 alinéa 2 du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel la violation de l’un des droits de l’auteur d’un logiciel définis à l’article L 122-6 du code de la propriété intellectuelle, constitue un délit de contrefaçon ;
- Les articles 7 et 13 de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, par lesquels les « États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes, avant l'engagement d'une action au fond, puissent, sur requête d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles pour étayer ses allégations selon lesquelles il a été porté atteinte à son droit de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente, ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces pour conserver les éléments de preuve pertinents, de telles mesures pouvant inclure la description détaillée avec ou sans prélèvement d'échantillons, ou la saisie réelle des marchandises litigieuses et, dans les cas appropriés, des matériels et instruments utilisés pour produire et/ou distribuer ces marchandises ainsi que des documents s'y rapportant » ; et que ces mêmes États « veillent à ce que les autorités judiciaires, lorsqu'elles fixent les dommages-intérêts, prennent en considération tous les aspects appropriés tels que les conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant et, dans des cas appropriés, des éléments autres que des facteurs économiques, comme le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte, ou, à titre d'alternative, puissent fixer, dans des cas appropriés, un montant forfaitaire de dommages-intérêts, sur la base d'éléments tels que, au moins, le montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question » ;
- L'article 1er de la directive 2009/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur, qui imposent aux États membres de protéger les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur.
Ainsi rappelé, la Haute juridiction se réfère à la jurisprudence européenne (CJUE, arrêt du 18 décembre 2019, C-666/18), laquelle a dit pour droit que « la directive [2004/48] et la directive [2009/24] doivent être interprétées en ce sens que la violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d'auteur de ce programme, relève de la notion d' « atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national ».
Or le droit national applicable au litige (ancien article 1147 du Code civil), impose que « en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts, ceux-ci ne peuvent, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement. Par ailleurs, il résulte de l'article 145 du code de procédure civile que les mesures d'instruction légalement admissibles ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer ».
La Cour de cassation en conclut donc que « dans le cas d'une d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues aux articles 7 et 13 de la directive 2004/48 s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon ».
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