LIBERTÉS FONDAMENTALES – Liberté d'expression : un jugement condamnant un journaliste peut être refusé s'il porte atteinte à la liberté de la presse
Publié le :
17/10/2024
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CJUE du 4 octobre 2024, n°C-6332/2 Real Madrid Club de Fútbol et AE contre EE et Société Éditrice du Monde SA
La liberté d’expression et la liberté de la presse sont des principes fondamentaux protégés par de nombreuses législations nationales et supranationales, notamment par l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, ces droits ne sont pas absolus et doivent parfois être conciliés avec d'autres droits, comme le respect de la réputation des individus.
En l’espèce, un journal publié en 2006 accusait un club sportif et un membre de son équipe médicale d’être liés à un réseau de dopage. Les juridictions espagnoles avaient condamné le journaliste et la société éditrice à verser des dommages-intérêts pour atteinte à la réputation du club. Le montant des dommages s’élevait à 300 000 euros pour le club et 30 000 euros pour le membre du personnel médical, avec des intérêts supplémentaires.
Toutefois, lorsque l’exécution de ce jugement a été demandée en France, les juridictions françaises ont refusé, estimant que cette condamnation portait une atteinte disproportionnée à la liberté de la presse.
Saisie, la Cour de cassation a demandé à la Cour de justice si, l'exécution d'une décision étrangère pouvait être refusée au motif qu'elle porterait atteinte à la liberté d'expression, considérée comme un élément essentiel de l'ordre public français.
Dans un premier temps, la CJUE rappelle que, selon le règlement Bruxelles I bis, les décisions rendues dans un État membre doivent être reconnues et exécutées dans un autre État membre, sauf en cas de violation manifeste de l’ordre public. La Cour souligne que la liberté de la presse, garantie par l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, fait partie de cet ordre public.
L’exécution d’un jugement étranger peut alors être refusée si elle porte atteinte à cette liberté, notamment lorsque les dommages-intérêts accordés pour une atteinte à la réputation sont manifestement disproportionnés, risquant ainsi de dissuader la presse de couvrir des sujets d'intérêt public à l’avenir. La juridiction nationale doit évaluer la proportionnalité de la condamnation et, si nécessaire, limiter ou refuser l'exécution du jugement en question.
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