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Abus de droit dans les délibérations sociales : quels moyens d’action pour les associés ?

Abus de droit dans les délibérations sociales : quels moyens d’action pour les associés ?

Publié le : 03/06/2025 03 juin juin 06 2025

La notion d’abus de droit au sein des délibérations sociales est une création prétorienne ancienne. Elle s’est rapidement imposée comme un outil redoutable en droit des sociétés. Conçu à l’origine pour sanctionner les abus de majorité, elle s’est rapidement adaptée pour sanctionner les abus de minorité et d’égalité.

Abus de majorité : quand la majorité porte atteinte à l’intérêt social

Généralement invoqué à l’occasion de la distribution des dividendes, opposant les associés majoritaires — souvent en charge de la direction et bénéficiaires de rémunérations à ce titre — aux associés minoritaires, l’abus de majorité nécessite la démonstration de deux conditions :

  • La résolution votée doit être contraire à l’intérêt social de la société ;
  • La résolution doit favoriser les associés majoritaires au détriment de la minorité.

Concrètement, la délibération litigieuse sera analysée en tenant compte de la situation de la société. Par exemple, une mise en réserve des bénéfices non justifiée par un besoin ou un projet, et mettant l’associé minoritaire dans une situation précaire, est constitutive d’un abus de majorité (Cass. civ. 3e, 12 nov. 2015, n°14-23.716).

Il en va de même pour la vente d’un actif à un prix inférieur à celui du marché à une société constituée par les seuls majoritaires (Cass. com., 24 mai 2016, n°14-28.121).

  • Comment démontrer un abus de majorité ?

Le droit fait peser la charge de la preuve de l’abus sur l’associé minoritaire souhaitant s’en prévaloir. En pratique, cette preuve est souvent difficile à rapporter.

La preuve se rapporte par tous moyens. Le minoritaire pourra s’appuyer sur les documents financiers et comptables de la société ainsi que sur les procès-verbaux d’assemblée. Il pourra également recueillir les témoignages d’autres associés afin d’appuyer sa prétention.

Enfin, la jurisprudence récente de la Cour de cassation admet désormais les preuves jugées déloyales, lorsque celles-ci sont indispensables à l’exercice du droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi. Cela laisse une plus grande marge de manœuvre à l’associé minoritaire, mais il devra veiller à ne pas outrepasser le cadre fixé par cette jurisprudence.

  • Les sanctions de l’abus de majorité

La reconnaissance d’un abus de majorité peut entraîner deux types de sanctions :

  • La nullité de la délibération litigieuse ;
  • Des dommages et intérêts à l’encontre des associés majoritaires.

Les associés disposent de deux délais distincts pour solliciter ces sanctions :

Un délai de 3 ans pour solliciter la nullité des décisions sociales (ce délai passera à 2 ans en octobre 2025 en vertu de la nouvelle rédaction de l’article 1844-14 du Code civil) ;

Un délai de 5 ans pour solliciter l’allocation de dommages et intérêts (Cass. com., 30 mai 2018, n°16-21.022).

Abus de minorité et d’égalité : le pouvoir de blocage détourné de sa finalité

Généralement moins connus que l’abus de majorité, les abus de minorité et d’égalité supposent que le vote soit contraire à l’intérêt social, tout en favorisant les intérêts du minoritaire.

Ce type de situation survient fréquemment lorsque le minoritaire (ou l’associé égalitaire) dispose d’une faculté de blocage. Tel est le cas lorsqu’un associé minoritaire refuse la prorogation du terme de la société dans un but uniquement spéculatif (Cass. civ. 3e, 7 déc. 2023, n°22-18.665), ou lorsqu’un associé à parts égales bloque une opération essentielle pour la société (Cass. com., 21 juin 2023, n°21-23.298).

Concernant les sanctions, les associés minoritaires ou à parts égales pourront être condamnés à verser des dommages et intérêts. En outre, le juge pourra désigner un mandataire ad hoc chargé de voter à la place des associés minoritaires défaillants.

Les associés ne sont donc pas démunis face à une délibération viciée par un abus, quel que soit leur pourcentage de détention au capital social. Il faut néanmoins garder à l’esprit que, bien qu’efficaces, les actions fondées sur les abus de majorité ou de minorité peuvent s’avérer complexes à caractériser.


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