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L'infirmier et les directives anticipées du patient

L'infirmier et les directives anticipées du patient

Publié le : 22/05/2025 22 mai mai 05 2025

Alors que le Parlement est actuellement en plein débat concernant l’instauration d’une aide à mourir dans des conditions strictement encadrées ( projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie), la place des professionnels de santé, et notamment celle des infirmiers, se retrouve au cœur des enjeux éthiques et juridiques liés à la fin de vie.

Cette actualité ravive en effet le questionnement sur les volontés exprimées par les patients en amont de leur perte d’autonomie, par le biais des directives anticipées. Ces écrits, encore trop peu utilisés, constituent pourtant un outil essentiel pour garantir le respect de la volonté du patient lorsque celui-ci n’est plus en mesure de s’exprimer. Face à l’évolution du cadre législatif en matière de fin de vie, les infirmiers pourraient être amenés à jouer un rôle renforcé dans la connaissance, la prise en compte et la mise en œuvre de ces directives.

Directives anticipées et opposabilité médicale : cadre légal et conditions

Instaurées par la loi Leonetti de 2005 et régies par les articles L 1111-11 et suivants du Code de la santé publique, les directives anticipées permettent à toute personne majeure d’exprimer, par écrit, ses souhaits relatifs à sa fin de vie, notamment concernant les conditions de limitation ou d’arrêt de traitements.

Ce document peut être rédigé à tout moment et révisé, sinon annulé librement.

Les directives anticipées s’imposent au médecin sauf en cas d’urgence vitale ou si les directives apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale. Afin d’assurer leur opposabilité, il est recommandé que les directives soient accessibles et portées à la connaissance des professionnels de santé, notamment via le dossier médical partagé ou par leur remise à un proche de confiance.

Devoirs déontologiques et respect des volontés du patient

Le Code de déontologie des infirmiers, codifié aux articles R 4312-1 et suivants du Code de la santé publique, impose à l’infirmier de respecter la volonté du patient et de l’assister dans ses démarches de santé.

Un devoir qui trouve un prolongement naturel dans l’application des directives anticipées, ce qui en pratique lui impose, lorsqu’un patient mentionne l’existence de directives anticipées, de veiller à leur traçabilité dans le dossier de soins, signaler leur existence à l’équipe médicale, et s’assurer que ces informations sont connues des autres intervenants.

À défaut, la responsabilité de l’infirmier pourrait être engagée, notamment en cas de non-transmission d’une information essentielle à la prise en charge du patient.

Une vigilance accrue en pratique libérale

Lorsque l’infirmier exerce son activité en libéral, il s’avère régulièrement être un interlocuteur privilégié du patient à domicile, de sorte qu’il figure fréquemment parmi les premiers qui perçoivent les signes d’une dégradation de l’état de santé ou l’émergence d’une réflexion sur la fin de vie.

Le praticien peut alors rappeler, et à titre de conseil, au patient son droit de formaliser ses volontés, en l’orientant vers les outils juridiques prévus par la loi : rédaction manuscrite libre, formulaire officiel ou dépôt dans le dossier médical partagé (DMP).

À titre d’exemple récurrent, les patients en soins palliatifs à domicile sont régulièrement emmenés à exprimer une volonté de limiter les gestes invasifs ou de refuser une réanimation. L’infirmier, informé de cette volonté, ne peut ni l’ignorer ni la considérer comme une simple déclaration orale. Il lui revient de rappeler au patient l’existence des directives anticipées, sans jamais toutefois en imposer la rédaction.

L'infirmier face à des volontés sensibles : discrétion et discernement

La déontologie infirmière impose un strict respect du secret professionnel, notamment lorsque le contenu des directives anticipées aborde des sujets sensibles, à l’instar de la sédation profonde ou le refus d’alimentation artificielle. La communication de ces informations ne peut intervenir que dans l’intérêt de la continuité des soins, et dans les limites du cercle de soins.

L’infirmier doit toujours veiller à ne pas influencer le patient dans l’élaboration de ses volontés, son intervention devant se limiter à lui fournir une information claire sur les conséquences des décisions exprimées. En cas de doute sur la validité du document (pression familiale, état cognitif du patient), il est recommandé de solliciter un avis médical ou d’alerter les services compétents.

Nos conseils :

Afin de sécuriser la pratique de son activité, rien n’empêche l’infirmier de mettre en place un protocole interne de recueil et de vérification de l’existence de directives anticipées chez les patients à domicile.

De même qu’il s’avère conseillé de mentionner leur présence dans la fiche de liaison ou le cahier de soins, sans en dévoiler le contenu.

Enfin, dans les situations où les directives anticipées semblent ignorées par certains membres de l’équipe médicale ou paramédicale, l’infirmier a non seulement la faculté, mais aussi le devoir de les rappeler. Le droit du patient à voir respecter ses volontés ne saurait être écarté sans justification médicale motivée et collégiale.


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