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Régulation de l’installation des médecins : un pas nécessaire contre les déserts médicaux ?

Régulation de l’installation des médecins : un pas nécessaire contre les déserts médicaux ?

Publié le : 16/04/2025 16 avril avr. 04 2025

L’Assemblée nationale a adopté le 4 avril dernier une mesure censée marquer un tournant dans la lutte contre les déserts médicaux : la régulation de l’installation des médecins libéraux.

Bien que contesté par une partie du corps médical, ce dispositif a vocation à répondre à un déséquilibre territorial devenu structurel, au détriment de l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

 

Contexte de la mesure :

La France fait depuis des années à une répartition inégalitaire des professionnels de santé, en particulier des médecins généralistes, puisque certaines zones, principalement rurales ou périurbaines, peinent à recruter, tandis que d’autres concentrent une offre pléthorique.

Dans la réalité, cette fracture sanitaire nourrit un sentiment d’abandon chez les habitants des zones sous-dotées, où les délais de consultation s’allongent et les parcours de soins se complexifient.

Il apparaît donc nécessaire, dans ce contexte, d’instaurer une régulation concernant l’installation des médecins, à ne peut-être pas voir comme une contrainte arbitraire, mais comme un mécanisme d'équilibre justifié par l’intérêt général.

 

Fonctionnement du dispositif :

Le dispositif voté à l’Assemblée nationale en ce début avril prévoit qu’un médecin souhaitant exercer en ville devra obtenir une autorisation préalable du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), après avis du conseil départemental de l’ordre des médecins rendu dans un délai de 30 jours.

Si le lieu d’installation se situe dans une zone où l’accès aux soins est insuffisant, cette autorisation est accordée automatiquement.
En revanche, dans les zones où l’offre de soins est suffisante, l’installation ne sera autorisée que si un autre médecin de la même spécialité cesse son activité dans cette même zone au même moment, permettant de fait un remplacement poste pour poste.

Les modalités d’application de cette règle seront précisées par un décret pris en Conseil d’État, après avis du Conseil national de l’ordre des médecins. L’ensemble de ce dispositif entrera en vigueur à la date de publication de ce décret, et au plus tard un an après la promulgation de la loi.

 

Une opposition tout comme une mesure, à nuancer…

Inspiré du modèle appliqué aux pharmaciens d’officine, le mécanisme ne remet pas en cause la liberté d’installation dans son principe, mais en adapte l’exercice aux impératifs de santé publique, en particulier dans les territoires où les besoins sont les plus criants.

Bien que la mesure suscite une opposition légitime, notamment chez les étudiants en médecine qui redoutent une restriction de leurs choix professionnels, cette inquiétude ne doit pas occulter la nécessité d’un encadrement qui favorise une meilleure répartition des ressources médicales, où la régulation ne s’impose pas dans une logique de punition ou de sacrifice, mais une contribution au rétablissement d’une justice territoriale en matière de soins.

La question quant à savoir si le fait de refuser toute forme de régulation au nom d’une liberté absolue d’installation ne reviendrait pas à entretenir le statu quo, avec ses inégalités croissantes et ses conséquences dramatiques pour les populations concernées, est légitime, de même que celle relative à la pérennité de la mesure.

Oui, car cette régulation, aussi vertueuse soit-elle sur le papier, ne saurait à elle seule endiguer le phénomène des déserts médicaux, tant qu’un numerus clausus, bien que désormais implicite, continue de restreindre en pratique le nombre de médecins formés, et que les conditions d’exercice ne sont pas rendues plus attractives dans les zones sous-dotées, la mesure risque de rester partiellement inefficace.
La situation est d’autant plus préoccupante que le système de santé s’apprête à subir une vague massive de départs à la retraite, sans compter le risque de fuite des jeunes praticiens vers l’étranger.

S’il devait être donné une ultime impression concernant la lutte contre la désertification médicale, il apparaît que celle-ci ne peut être envisagée sans une politique globale de réimplantation des services publics, car nul n’est sans savoir que l’accès aux soins est intrinsèquement lié à l’attractivité d’un territoire.

Sans écoles, sans transports, sans perspectives pour les familles, il sera difficile de convaincre des professionnels de santé de s’installer durablement dans certaines zones.


Marion Glorieux - Legal Content Manager
Septeo Digital & Services 

 

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