Extension du champ d’application du préjudice d’anxiété
Publié le :
09/10/2019
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Le 11 septembre dernier, la Cour de cassation a franchi un pas supplémentaire dans la reconnaissance du préjudice d’anxiété, en étendant son indemnisation à tous les salariés exposés à des substances nocives ou toxiques, générant un risque de pathologie grave.
En matière de protection des salariés, la reconnaissance du préjudice d’anxiété est relativement récente, avec une jurisprudence de 2010 concernant les travailleurs exposés à l’amiante (Cass. soc 11 mai 2010 n°09-42.241). A cette occasion, les juges ont défini le préjudice d’anxiété comme le préjudice moral découlant d’une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l’exposition à l’amiante, et qui couvre l’ensemble des risques psychologiques.
A plusieurs reprises des tribunaux de première instance avaient reconnu le préjudice d’anxiété pour d’autres typologies de travailleurs, comme les mineurs de fer (CPH Longuy 6 février 2015), les mineurs de charbon (CPH de Forbach 30 juin 2016), mais jamais la Haute juridiction n’avait concédé un tel bénéfice à d’autres salariés que ceux de l’amiante, se refusant même à une telle extension (Cass. soc 26 avril 2017 n°15-19.037).
Avec sa récente décision la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et étend de manière considérable la voie d’indemnisation des salariés susceptibles de souffrir d’anxiété liée à leurs conditions de travail, sans distinction de leur secteur d’activité, la nature de leur tâche ou la typologie de leur travail.
Concernant les faits, l’arrêt rendu par la chambre sociale résulte d’une jonction d’instances engagées par plusieurs salariés exerçant les fonctions de mineurs dans une société ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire, auprès de la juridiction prud’homale, pour obtenir réparation de leur préjudice d’anxiété du fait d’un manquement de leur employeur à son obligation de sécurité.
Déboutés en seconde instance, la jurisprudence antérieure est appliquée, en retenant que la réparation du préjudice d’anxiété se définit par une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une maladie liée à l’amiante. Que par conséquent une telle reconnaissance n’est pas offerte aux mineurs non exposés à l’amiante, ne pouvant être indemnisés sur le fondement de l’obligation de sécurité.
En appui à leurs prétentions, les salariés fournissent quant à eux plusieurs attestations qui mettent en cause les équipements collectifs et individuels de protection contre les poussières.
Arguments rejetés par les juges du fond qui retiennent, d’une part que les constats concernant les équipements de protection ne peuvent être reliés directement à la situation concrète de chaque salarié en fonction des différents postes occupés, et d’autre part, que l’employeur a rempli son obligation de sécurité du fait de la mise en place d’équipements de protection et de documents d’information.
La Cour de cassation ne partage pas cette décision et retient que la Cour d’appel a privé sa décision de base légale en omettant de rechercher si les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité, telles que définies aux articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, étaient réunies.
Ainsi, en vertu des dispositions de droit commun qui régissent l’obligation de sécurité de l’employeur, la Cour conclut que tout salarié qui justifie d’une exposition à une substance nocive ou toxique générant un risque élevé de développer une pathologie grave et un préjudice d’anxiété du fait d’une telle exposition, peut agir contre son employeur, au titre de l’obligation de sécurité.
Par sa décision la Haute juridiction borne la réparation du préjudice d’anxiété, non pas à une catégorie de salarié, mais au fait qu’il y ait une exposition à une substance nocive ou toxique, en plus d’un risque de développer une pathologie grave.
Intrinsèquement, la Cour rappelle que le salarié doit apporter la preuve de son préjudice ainsi que son exposition, et que l’employeur a toujours la possibilité de s’exonérer en démontrant qu’il a tout mis en œuvre pour assurer la prévention, la protection et la sécurité du salarié.
Enfin, il faut noter que le verdict pose une différence par rapport à l’indemnisation du préjudice d’anxiété jusqu’alors reconnu aux salariés exposés à l’amiante, puisque ces derniers bénéficient d’un régime spécifique avec la création de l’ACAATA (Allocation de cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante), et automatique du fait d’un régime probatoire dérogatoire puisqu’ils n’ont pas à démontrer l’existence du risque et du préjudice.
S’agissant des dispositions relatives à la preuve en droit commun, il est possible d’envisager que les prochaines décisions concernant les litiges postérieurs à cette solution, définiront les contours et la portée d’une telle décision, notamment en matière de définition des substances considérées comme nocives ou toxiques, et la manière dont le salarié peut être emmené à démontrer, à la fois le risque pathologique auquel il est exposé, et l’anxiété en résultant.
Référence de l’arrêt : Cass. soc 11 septembre 2019 arrêt n°1188 (n°17-24.879 à 17-25.623).
Marion Glorieux, Legal Content Manager - AZKO
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