Pour quelques jours de retard : histoire d’une prise d’acte
Publié le :
15/09/2022
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Lorsqu’il justifie de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite de son contrat de travail, le salarié est en droit, par décision unilatérale, de prendre acte de la rupture de celui-ci.
Ce mode de rupture de la relation de travail, qui découle de l’article L.1231-1 du Code du travail, entraîne, lorsque les faits reprochés à l’employeur sont avérés, les conséquences d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. À l’inverse, il produit les effets d’une démission.
Même s’ils sont avérés, les manquements imputés à l'employeur doivent être suffisamment proches de la date de la prise d'acte. En effet, l’ancienneté des griefs démontre, de facto, que les manquements n’ont pas fait obstacle à la poursuite du contrat (Voir par exemple : Cass. soc., 26 mars 2014, no 12-23.634).
Mais inversement, ne peut-on pas reprocher au salarié une prise d’acte trop hâtive ?
La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur la question.
Dans l’affaire en question, un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juin 2011 pour non-paiement du salaire du mois de mai 2011 et saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes relatives à l’exécution comme à la rupture de la relation de travail.
Pour la Cour d’appel saisie des griefs, la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié s’apparentait à un licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’employeur avait donc été condamné à indemniser le salarié.
Cette décision a été contestée par l’entreprise qui reprochait le caractère précipité de la prise d’acte, le salarié ayant, sans alerte préalable de son employeur sur l’absence de versement de son salaire de mai 2011, pris acte de la rupture du contrat de travail, seulement 11 jours après cet incident.
L’employeur estimait qu’un manquement ponctuel, invoqué par le salarié de manière prématurée ne pouvait être considéré comme suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
La Cour de cassation a néanmoins rejeté le pourvoi en retenant que « la cour d’appel, qui a constaté qu’à la date de la prise d’acte de la rupture, le 10 juin 2011, le salaire du mois de mai 2011 n’était pas payé et que ce manquement était imputable à l’employeur, a pu en déduire qu’il avait empêché la poursuite du contrat de travail ».
Ainsi, le non-versement de la rémunération due au salarié est un motif de prise d’acte de la rupture du contrat de travail et est susceptible d’exposer l’employeur à une prise d’acte à ses torts exclusifs, et ce, même si l’incident de paiement est isolé et récent.
EILOGUE Avocats
Référence de l’arrêt : Cass. soc 6 juillet 2022 n°20-21.690
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