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L’absence du chef d’entreprise le jour de l’accident et les agissements risqués du salarié, ne constituent pas des motifs d’exonération de responsabilité pénale

L’absence du chef d’entreprise le jour de l’accident et les agissements risqués du salarié, ne constituent pas des motifs d’exonération de responsabilité pénale

Publié le : 15/07/2019 15 juillet juil. 07 2019

La responsabilité pénale de l’employeur est engagée dès lors qu’il ne respecte pas ses obligations en matière de sécurité et santé au travail. 
Posée par l’article L 4121 du Code du travail, cette obligation impose en effet au chef d’entreprise de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés
 
Pour autant, l’ordonnance de non-lieu qui exclue la responsabilité pénale du chef d’entreprise du fait de la présence de fautes du salarié et de l’absence de l’employeur sur les lieux de l’accident, est-elle valablement fondée ? 
 
Le salarié d’une entreprise sous-traitant sur un chantier décède des suites d’une chute, alors qu’il procédait au placement d’un équipement en appui sur une corniche non équipée de garde-corps. 
L’enquête met en évidence le fait que le salarié, en plus de ne pas avoir utilisé les équipements de sécurité (harnais et sangles présents sur le chantier), n’a pas observé la demande faite par le conducteur de travaux de quitter les lieux. 
Mais les investigations révèlent également que le coordinateur de sécurité de l’entreprise qui employait le salarié, a participé à très peu de réunions dont la vocation était d’analyser les difficultés du chantier, notamment en termes de sécurité, en plus de ne pas avoir inspecté les lieux le jour de l’accident préalablement à la survenance de celui-ci, le privant de la possibilité d’observer la dangerosité de la situation. 
 
Poursuivis du chef d’homicide involontaire, le dirigeant et le coordinateur de sécurité ne sont pas tenus responsables, le juge d’instruction rendant une ordonnance de non-lieu. Tout en reconnaissant les éléments de l’enquête, les juges du fond saisis de l’appel confirment l’ordonnance en motivant leur décision sur plusieurs fondements, notamment : 
 
  • L’impossibilité pour l’employeur d’avoir connaissance du danger du fait de son absence sur le lieu de l’accident
  • Le non-respect par le salarié de l’ordre de quitter le chantier et la non utilisation des équipements de sécurité. 
 
Les parties civiles s’étant pourvues en cassation, la chambre criminelle dans un arrêt du 7 mai 2019 casse et annule la décision rendue par la Cour d’appel, au visa de l’article 593 du Code de procédure civile, en déclarant que la juridiction de second degré s’est prononcée sur des faits contradictoires, inopérants et insuffisants, privant ainsi leur décision de base légale et de motifs propres à justifier le non-lieu
 
En excluant la responsabilité de l’employeur du fait de son absence sur les lieux de l’accident à la date de celui-ci, ainsi que son impossibilité d’être informé du danger et de l’absence de l’utilisation des équipements de sécurité, la juridiction saisie en appel viole les dispositions légales. La chambre criminelle rappelle que l’article 123-1 du Code pénal dispose que les personnes qui n’ont pas pris les mesures nécessaires pour éviter la survenance d’un dommage sont responsables pénalement, notamment s’il y a violation manifeste d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi. A la lumière de ce texte, la Cour rapproche l’obligation prévue par l’article L 4121-1 du Code du travail, mise à la charge de l’employeur et l’obligeant à prendre les mesures utiles pour assurer la protection des salariés. Qu’en l’espèce, et en s’inscrivant dans une logique de jurisprudence constante (Cass. crim 4 mai 199 n°98-91.799), le dirigeant, même absent, devait prendre de telles mesures, et que la faute caractérisée de ce dernier réside en le fait de ne pas avoir procédé à des contrôles lui permettant d’éviter le risque. 
 
Enfin, pour la haute juridiction, les juges du fond ne justifient pas légalement leur décision, lorsqu’ils retiennent que l’accident du salarié à pour cause une prise de risque de ce dernier et le non-respect des consignes, tant de sécurité que celle lui demandant de ne pas intervenir sur le site, formulée verbalement. 
En effet, la faute de la victime exonère de responsabilité que s’il peut être établi qu’elle est la cause exclusive de l’accident, et les faits démontrent qu’il n’en est pas ainsi, compte tenu des manquements du coordinateur de sécurité et de l’employeur à leurs obligations légales et réglementaires. 
 
Par cet arrêt la Cour de cassation, en plus d’inciter les juges à motiver leurs solutions de manière plus solide, rappelle que le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité constitue une faute inexcusable dès lors qu’il aurait pu avoir connaissance du danger mais a été inactif, et invite ainsi les dirigeants à organiser de manière effective et en conformité avec les dispositions, la prévention et la sécurité sur leurs sites. 

Référence de l'arrêt : Cass. crim 7 mai 2019 n°18-80.418

Marion Glorieux, Legal Content Manager - AZKO

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