
Pollution des sols et ICPE : les obligations environnementales peuvent survivre à la succession
Publié le :
23/06/2025
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En matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, plus couramment désignées par leur acronyme : ICPE, les prescriptions administratives relatives à la dépollution d’un site ne disparaissent pas nécessairement du fait du décès de l’exploitant.
Une récente décision du Conseil d’État du 2 mai 2025 illustre la portée persistante de ces obligations, y compris à l’encontre des héritiers d’un ancien dirigeant d’activité polluante.
Dans l’affaire portée devant le Conseil d’État, un site industriel exploité depuis 1959 par deux sociétés successives avait accueilli des activités de blanchisserie, de nettoyage textile et de dégraissage de soieries. Ces activités, soumises à la législation ICPE avaient cessé depuis plusieurs années, mais des riverains avaient néanmoins découvert une nappe d’hydrocarbures dans le sous-sol, entraînant l’intervention de la préfète du Rhône.
Trois arrêtés ont successivement été pris en 2023 et 2024, dont l’un imposant des prescriptions spéciales à l’héritière de l’ancien dirigeant, les deux autres la mettant en demeure d’exécuter ces mesures, puis lui ordonnant la consignation d’une somme de 107 000 euros pour couvrir les travaux de diagnostic et d’expertise.
Saisie en urgence à la demande de l’héritière, le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon avait suspendu les trois arrêtés, considérant que le coût des travaux, très élevé au regard de sa situation personnelle, caractérisait une situation d’urgence.
La juridiction avait en revanche écarté l’argument du préfet relatif à l’intérêt public de la dépollution.
Le Conseil d’État casse cette décision et rappelle que l’urgence ne peut être appréciée uniquement sous l’angle de la situation du requérant, puisqu’elle suppose une analyse globale et objective, prenant en compte l’ensemble des intérêts en présence, notamment l’urgence environnementale à limiter l’expansion de la pollution et à protéger les habitations voisines.
Sur le fond de cette affaire, question était par ailleurs posée à la Haute juridiction administrative de savoir si l’héritier pouvait être considéré comme « ayant-droit »
La principale intéressée soutenait en effet que sa qualité d’héritière ne suffisait pas à la qualifier d’ayant droit au sens des articles R 512-66-2 et L 171-8 du Code de l’environnement. Elle invoquait notamment le fait qu’elle avait renoncé à la succession de sa mère et que les biens d’exploitation avaient été transférés à une autre société.
Pourtant, pour le Conseil d’État, de tels arguments n’étaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des arrêtés préfectoraux, motivant par conséquent son rejet de la demande de suspension.
La haute juridiction administrative rappelle par cette décision l’existence d’une règle désormais bien établie en droit de l’environnement : les obligations administratives pesant sur l’ancien exploitant d’une ICPE peuvent être transmises à ses ayants droit, y compris en l’absence d’exploitation directe par l’héritier.
Ce mécanisme, fondé sur la recherche de la responsabilité dans la chaîne des détenteurs successifs des biens ou droits liés à l’activité, permet à l’administration de faire exécuter les mesures nécessaires à la protection de l’environnement, et ce, même plusieurs années après la cessation d’activité.
En pratique, il ne suffit pas d’avoir cessé toute activité ou d’avoir vendu le terrain pour se dégager de ses responsabilités environnementales, et le seul fait d’avoir hérité, même indirectement, d’un site anciennement exploité peut suffire à engager des obligations financières lourdes, notamment liées au financement de diagnostics ou de travaux de dépollution.
CGBG Avocats Associés
Référence de l’arrêt : Conseil d’État, 6ème chambre du 2 mai 2025, n°495728
Historique
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