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EUROPÉEN – L’indépendance et l’impartialité des juges imposent que seule la formation de jugement en charge d’une affaire décide de son issue

EUROPÉEN – L’indépendance et l’impartialité des juges imposent que seule la formation de jugement en charge d’une affaire décide de son issue

Publié le : 25/07/2024 25 juillet juil. 07 2024

CJUE du 11 juillet 2024 n°C‑554/21, C‑622/21 et C‑727/21, Financijska agencija c/ HANN-INVEST 

 

Le renvoi préjudiciel est un mécanisme qui permet aux juridictions d’un État membre d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation du droit de l’Union. 

 

Les juridictions croates ont utilisé ce mécanisme à la suite d’une interrogation concernant les fonctions du juge de l’enregistrement au regard de l’indépendance et de l’impartialité des juges. 

 

Dans le droit croate, l’article 177 paragraphe 3 du Sudski poslovnik (règlement de procédure des tribunaux) prévoit que les décisions adoptées par les juridictions de seconde instance passent entre les mains d’un juge de l’enregistrement. Ce n’est qu’après cet enregistrement que l’affaire est réputée clôturée. Ce dernier a alors la possibilité de suspendre le prononcé d’un jugement et de donner des instructions à la formation de jugement.  

 

Dans le cas où la juridiction ne se conforme pas aux instructions du juge de l’enregistrement, il peut solliciter la convocation d’une réunion de section. Il est prévu, par l’article 40 de la loi relative à l’organisation juridictionnelle, que la position retenue par la section « s’impose à l’ensemble des chambres ou juges de deuxième instance de la section ou de la juridiction concernée ». 

 

Dans l’affaire présentée à la Cour, trois appels rejetés par la Cour d'appel de commerce croate ont été transmis au service d’enregistrement. Toutefois, le juge de l’enregistrement a refusé de signer les décisions et les a renvoyés à la formation de jugement. 

 

Afin de justifier son refus, il indiquait que, dans des affaires similaires, une autre solution avait été rendue. Il subordonnait alors l’enregistrement de la décision à l’adoption d’une autre solution. À défaut, il va transmettre la décision à la section du contentieux commercial et autres litiges. Également, il informait simplement son désaccord avec l’interprétation retenue. 

 

La formation de jugement réunie n’a toutefois pas modifié sa solution. C’est pour ce motif que le juge de l’enregistrement a renvoyé l’affaire pour examen à la réunion de section. 

 

Si cette pratique était justifiée par la nécessité d’assurer une cohérence jurisprudentielle, la Cour d'appel de commerce croate estimait que le juge de l’enregistrement était susceptible d’inciter la formation de jugement à modifier sa décision, ce qui vient nuire à l’indépendance des juges. Dès lors, elle a décidé de surseoir à statuer et pose à la Cour une question préjudicielle. 

 

La juridiction s’interroge sur le fait de savoir si l’article 40 de la loi relative à l’organisation juridictionnelle, qui prévoit un mécanisme interne selon lequel le juge de l’enregistrement décide seul d’expédier l’affaire aux fins de clôture, et sur le fait que la position de la réunion de section s’impose à l’ensemble des chambres et des juges de deuxième instance, est conforme ou non à l’article 19 paragraphe 1 du Traité sur l'Union européenne. 

 

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle, dans un premier temps, l’importance du principe de protection juridictionnelle effective, qui constitue un principe général du droit de l’Union européenne. Elle souligne ensuite que chaque État membre doit, en application de l’article 19 paragraphe 1 du Traité sur l'Union européenne, mettre en place un système de voies de recours qui satisfait à cette protection juridictionnelle. 

 

Ainsi, l’exigence de l’indépendance des juridictions relève de cette protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès équitable. Elle signifie que les instances exercent leurs fonctions en toute autonomie, sans lien hiérarchique ou de subordination. La formation de jugement prend alors seule la décision de mettre fin à l’instance. 

 

En l’espèce, le fait pour juge de l’enregistrement de contrôler le contenu des décisions et d’empêcher leur signification aux parties n’est pas prévu par les textes, mais relève de la pratique. Toutefois, en agissant ainsi, ce dernier excède largement ses fonctions. Son action est jugée inconciliable avec les exigences inhérentes au droit à une protection juridictionnelle effective. 

 

Au regard de ses constatations, la Cour déclare que l’article 19 paragraphe 1 du Traité sur l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose au mécanisme interne d’une juridiction qui prévoit que l’expédition d’une décision juridictionnelle dépende de l’appréciation et de l’approbation d’un juge de l’enregistrement, qui ne fait pas partie de la formation de jugement. 

 

De même elle juge que l’article s’oppose à ce que la réunion de section de la juridiction puisse contraindre la formation de jugement à modifier sa décision, alors qu’elle comprend des personnes extérieures à la juridiction concernée. 

 

Par ailleurs, il est souligné que cette contrainte intervient sans information pour les parties qui ne peuvent, dès lors, pas faire valoir leurs arguments. 

 

Toutefois, pour éviter les divergences jurisprudentielles, un mécanisme peut permettre à un juge ne siégeant pas dans la formation de jugement de renvoyer l’affaire devant une formation élargie, à condition que l’affaire n’ait pas encore été prise en délibéré, que les circonstances du renvoi soient clairement énoncées et si le renvoi ne prive pas les parties de participer aux débats. 

 

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