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Fin de carrière pour les avocats agents sportifs

Fin de carrière pour les avocats agents sportifs

Publié le : 30/06/2023 30 juin juin 06 2023

Les croisés auront eu raison des avocats ! Des professions ou missions croisées plus exactement. Alors que l’interprofessionnalité mise à l’honneur par la loi PACTE vit ses plus belles heures, où l’avocat tend à se démocratiser et rentrer dans la vie de chacun et ne plus être vu comme le simple orateur de prétoire, la première chambre civile de la Cour de cassation, par un arrêt rendu le 29 mars 2023 (n°21-25.335), met un coup d’arrêt aux ambitions sportives des avocats-conseils.

Et pourtant, ce qui sonne le glas de ces missions d’agents sportifs, c’est bien une réglementation libérale de la part du Barreau de Paris. Plus exactement l’article P. 6.3.0.3 du règlement intérieur de celui-ci qui dispose que « L’avocat peut, en qualité de mandataire sportif, exercer l’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat, soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement.

L’avocat agissant en qualité de mandataire sportif ne peut être rémunéré que par son client. Cette activité doit donner lieu à une convention écrite qui peut, le cas échéant, stipuler que le joueur donne mandat au club sportif de verser, en son nom et pour son compte à l’avocat, les honoraires correspondant à sa mission. »

Pour condamner le Barreau de Paris à retirer cet article de son règlement intérieur, et encadrer strictement les missions de l’avocat dans son conseil envers les sportifs, la Cour s’appuie sur des arguments sémantiques, au regard de l’activité concernée, et au mode de rémunération proposé.

Une question sémantique

Au sens du premier alinéa de l’article L. 222-7 du Code du sport : « L'activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d'un contrat soit relative à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement, soit qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou d'entraînement ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d'une licence d'agent sportif. »

De ce fait, il faut observer que le Barreau de Paris, dans son règlement intérieur, semble attribuer une compétence à l’avocat mandataire sportif qui est réservée aux « agents sportifs ». Il est vrai que par cette affirmation selon laquelle l’avocat qui exerce une activité de mandataire sportif peut exercer une mission réservée à une autre profession réglementée (puisque soumise à l’obtention d’une licence), outrepasse les compétences de cette entité. 

Dans son arrêt, la Cour distingue bien ces deux statuts de « mandataire » et d’ « agent », de telle sorte qu’il faut comprendre qu’un avocat ne peut être qu’un mandataire au sens strict. Il est précisé que le statut d’agent ne peut être accordé qu’aux détenteurs d’une licence d’agent sportif, ce qui permet de s’interroger sur l’incompatibilité totale entre la profession d’avocat et celle d’agent, du moment où celui-ci disposerait de la licence d’agent, mais dans ce cas, la question des activités exercées vient clôturer le débat.

Un problème d’activité

En effet, le problème viendrait de la mise en relation des personnes. Si l’avocat, lorsque pris comme avaliseur de contrat, rédacteur ou même négociateur ne pose pas tant problème, la prospection et la modélisation de la carrière d’un sportif sont réservées à l’agent sportif, selon les juges.

Au regard des moyens invoqués, la « mise en relation » constituerait une activité principale à part entière, ce qui rend de facto incompatible cette activité avec celle d’avocat. 
Alors qu’en est-il de l’avocat comme apporteur d’affaires ? Comme conseil dans le cadre de levée de fonds et qui active, pour son client, son réseau personnel ? 

La Cour semble avoir une vision restrictive de l’activité de mandataire, se contentant de faire intervenir l’avocat après l’approche, et comme interlocuteur seulement juridique. Une vision un peu à l’encontre de ce qui est visible en général dans la carrière d’un avocat d’affaires, qui va accompagner et conseiller son client dans toute la gestion, y compris amener une certaine expertise dans la vie et la direction des sociétés. 

En réalité, les juges amènent une réserve de cette mission au profit des agents sportifs exclusifs, et les modes de rémunération des agents dans ce milieu ne font que renforcer la position de la Cour.

Une incompatibilité dans le mode de rémunération

Pour poursuivre dans cette exclusion des avocats de la direction de la carrière de sportifs, les juges viennent identifier une nouvelle limite tenant à la rémunération de l’entremetteur par le club, au nom et pour le compte du sportif. Une sorte de double mandat qui ne correspond pas aux usages de la profession d’avocat.

L’avocat a pour mandat la représentation du sportif dans la négociation avec le club, donc un mandat direct et défini.

Une fois le résultat obtenu, à savoir : la signature du sportif avec le club, il n’en demeure pas moins que le client de l’avocat reste le sportif, et c’est donc au sportif de régler les frais et honoraires directement à l’avocat. Or, la pratique dans le milieu est de faire peser les honoraires de la négociation sur le club. Alors, l’avocat serait bien réglé de ses honoraires, mais par une personne mandatée par son client pour le faire : le club. Une confrontation de mandat incompatible avec les pratiques des avocats.

Mais que penser alors de cette décision au milieu d’un monde politique qui prône l’interprofessionnalité ? Où la tendance est d’avoir un seul interlocuteur pour une multitude de tâches qui se rassemblent ? En quoi l’avocat est-il inapte à effectuer de la mise en relation ? 

Les juges ne semblent pas expliquer où se situe le conflit d’intérêts. Peut-être, lorsque ledit avocat est lui-même conseil du club vers lequel il oriente l’athlète, mais d’une situation unique pourquoi en faire une généralité condamnant l’athlète à multiplier les acteurs ?

Là où le Barreau de Paris a pris une initiative courageuse et bienvenue pour encadrer le statut de l’avocat-conseil d’athlète, la Cour de cassation vient de fermer la porte à la vision d’un avocat multi-casquette.

Quel avenir pour cette décision, et quel impact sur l’avocat agent d’artistes ? Ou même l’avocat spécialisé en droit du sport qui trouvait attrait dans ces fonctions de mise en relation d’athlètes et de clubs ? 

Une décision à surveiller, sur son application par des sanctions directes aux avocats qui contreviendraient à celle-ci, ou autre revue de règlements intérieurs de Barreaux s’essayant à la réglementation de cette pratique


Nicolas GASQUEZ - Référent juridique chez SEPTEO AVOCATS

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