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Rappel : donation et caractérisation de l'intention libérale

Rappel : donation et caractérisation de l'intention libérale

Publié le : 12/04/2021 12 avril avr. 04 2021

Une libéralité est un acte consenti entre vifs ou par disposition testamentaire, quand le donateur transfert une partie de son patrimoine à un donataire désigné, cet acte entraînant un appauvrissement de la personne qui donne, ce sans contrepartie, et enrichissement de celle qui reçoit. Il s’agit de la caractérisation de l’intention libérale du donateur : son don est lié à une volonté d’agir en ce sens
Les donations figurent au rang des libéralités et peuvent être rapportables à la succession, c’est-à-dire que leurs montants sont réintégrés dans l’actif de la succession, dès lors qu’elles empiètent sur la réserve héréditaire (la part qui revient de droit aux héritiers).  
Mais, pour qu’une donation soit reconnue comme telle, il est nécessaire que soit caractérisée l'intention libérale du donateur, comme l’a à juste titre récemment rappelé la Cour de cassation. 


Dans l’affaire en question, une femme décède en laissant pour héritier son époux et deux enfants. À l’ouverture de sa succession, des difficultés apparaissent et le mari et la fille assignent le fils en partage judiciaire (intervention du juge lorsque les cohéritiers ne parviennent pas à se mettre d’accord). 

Lors de la procédure, il est fait état de deux donations au bénéfice de la fille correspondant respectivement aux montants des apports faits pour l’acquisition de deux biens immobiliers à Marseille : un appartement et un garage. 
Son frère demande alors à ce que ces sommes soient prises en compte au titre du partage judiciaire et qu'elles soient réintégrées pour un partage équitable de la succession de sa mère. 

La Cour d’appel saisie des griefs fait droit à sa demande en requalifiant les sommes en donations rapportables à la succession. La juridiction retient alors comme fondement de sa décision que la fille du couple ne justifiait pas de la provenance des sommes employés pour l’apport de ses biens immobiliers, et a ainsi bénéficié de donations au titre des apports réalisés pour ces acquisitions puisqu’elle n’avait pas les capacités financières nécessaires et a été aidée par ses parents.

La Cour d’appel sanctionne ce raisonnement en cassant et annulant la décision de la Cour d’appel au motif que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l’intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession. Sa décision est prise au visa de l’article 843 du Code civil : 

« Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.

Les legs faits à un héritier sont réputés faits hors part successorale, à moins que le testateur n'ait exprimé la volonté contraire, auquel cas le légataire ne peut réclamer son legs qu'en moins prenant
».

Or en l’espèce, pour dire que la fille a bénéficié de donations de ses parents au titre des apports réalisés pour l’acquisition de biens immobilier et en ordonner le rapport, la juridiction d’appel en retenant que celle-ci n’avait pas les capacités financières nécessaires et a été aidée par ses parents, n’a pas recherché si les parents avaient agi ou non dans une intention libérale.

Par cette décision, la Haute juridiction rappelle qu’une libéralité, en plus de mettre en évidence un appauvrissement du donateur et l’enrichissement réciproque du donataire, doit aussi mettre en évidence la manifestation d’une intention libérale. Une telle intention ne se présume pas, mais se démontre ! 


GHD Notaires & Associés

Référence de l’arrêt : Cass. civ 1ère 10 février 2021 n°19-20.026

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