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Condamnation de l’État pour inaction climatique : le Conseil d’État clôt le chapitre

Condamnation de l’État pour inaction climatique : le Conseil d’État clôt le chapitre

Publié le : 12/05/2025 12 mai mai 05 2025

La lutte contre la pollution de l’air en France, s’inscrit dans le cadre d’un contentieux inédit et symbolique, puisqu’engagé sur la base d’une inaction climatique.
Dans le cadre d’une série de décisions rendues depuis 2017, le Conseil d’État a contraint l’État à respecter les obligations issues de la directive européenne du 21 mai 2008 (2008/50/CE) relative à la qualité de l’air, et transposée en droit interne. 
Après avoir prononcé plusieurs astreintes et assuré un suivi juridictionnel rigoureux, la Haute juridiction administrative a finalement constaté le 25 avril dernier l’exécution complète de ses injonctions.

 

De la directive européenne à l’action nationale : une obligation de résultats


La directive européenne visée en introduction impose aux États membres de limiter, dans les zones urbaines, les concentrations de polluants atmosphériques, notamment le dioxyde d’azote (NO2) et les particules fines (PM10).

De telles exigences ont été transposées en droit français aux articles L 221-1 et suivants du Code de l’environnement, et notamment traduites dans des plans locaux de protection de l’atmosphère (PPA).

À la suite d’une saisine par des associations environnementales, dans une décision du 12 juillet 2017 (n° 394254), le Conseil d’État avait enjoint l’État de prendre les mesures nécessaires dans 13 zones particulièrement polluées, et devant l’absence de résultats probants, la juridiction l’a par la suite successivement condamné à de lourdes astreintes, à hauteur de 10 millions d’euros par semestre, entre 2021 et 2023.

Des condamnations qui visaient à sanctionner le non-respect des seuils de pollution fixés et à accélérer l’action publique.

 

Dépassements résiduels et politiques locales renforcées


Après une analyse technique des données de pollution, le Conseil d’État a finalement considéré que les dépassements de seuils PM10 avaient cessé dans toutes les zones concernées, et concernant le NO2, les efforts réalisés ont permis des améliorations notables, bien que les seuils le constat est le suivant : les seuils ont ponctuellement été dépassés à Lyon et Paris jusqu’en 2024.

Concernant l’agglomération de Lyon, une seule station affichait encore une concentration de 44 μg/m³ en 2023, seuil dépassé par rapport à la norme annuelle de 40 μg/m³, mais le troisième PPA de l’agglomération lyonnaise, adopté en 2022, prévoit des mesures structurantes : voies dédiées au covoiturage, réduction de la vitesse, extension de la ZFE-m, restriction des véhicules Crit’Air 3 et plus.
Des actions qui plus est déjà engagées en 2024 et renforcées en 2025, ont finalement convaincu le Conseil d’État que les objectifs seraient durablement atteints.

Pour Paris, bien que certaines stations demeurent en dépassement, le quatrième PPA d’Île-de-France, adopté début 2025, prévoit une extension des restrictions de circulation et un abaissement des vitesses maximales, ce qui permet à la Haute juridiction administrative de souligner que la tendance est consolidée par la politique de renouvellement du parc automobile, qui renforce l’efficacité des ZFE-m instaurées en zone urbaine dense.

 

Clôture du contentieux : quelles implications pour les collectivités et les acteurs privés ?
 

La décision du 25 avril dernier met fin à un contentieux qui aura duré plus de huit ans, et au cours duquel l’administration aura été contrainte par voie juridictionnelle à renforcer son action environnementale.

Le respect des obligations en matière de qualité de l’air s’impose désormais comme un impératif structurel pour les autorités locales, notamment dans le cadre de l’aménagement urbain, des permis de construire ou encore de la gestion des flux de circulation.

Pour les constructeurs et aménageurs, cette jurisprudence confirme l’importance de l’intégration des exigences environnementales dès la phase de conception des projets immobiliers, et les collectivités, quant à elles, doivent veiller à la mise à jour régulière de leurs PPA et à l’adéquation des mesures locales avec les objectifs nationaux.
À la lumière de cette décision, il est possible d’envisager qu’à l’avenir et en cas d’inaction ou de retard, elles pourraient voir leur responsabilité engagée, en particulier si un projet local contribue au dépassement des seuils réglementaires.


CGBG Avocats & Associés

Référence de l’arrêt : Conseil d'État du 25 avril 2025, 6ème - 5ème chambres réunies, n°428409
 

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