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Action en garantie des vices cachés et double délai d'action

Action en garantie des vices cachés et double délai d'action

Publié le : 01/03/2022 01 mars mars 03 2022

Préambule

La garantie des vices cachés est due par le vendeur à l’acheteur après la conclusion d’un contrat.

Elle permet à l’acquéreur d’être garanti contre les éventuels défauts du bien acheté, quand bien même le vendeur ne les auraient pas connus.

La garantie des vices cachés ne couvre que les défauts non décelés au moment de l’achat.

Elle est définie à l’article 1641 du Code civil :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Elle a vocation à s’appliquer aussi bien aux biens meubles, aux véhicules qu’aux biens immobiliers.

Les biens achetés lors de ventes aux enchères ne sont en revanche pas couverts par cette garantie.

Par exception, la garantie des vices cachés sera exclue si une clause du contrat le prévoit, à moins que le vendeur les ait connus et les ait volontairement dissimulés à son cocontractant (article 1643 du Code civil).

L’article 1648 du Code civil dispose que « L’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice ».

La nature du délai de l’action en garantie des vices cachés fait débat en jurisprudence, étant tantôt qualifié de délai de forclusion ou de délai de prescription.

Par un arrêt retentissant en date du 10 novembre 2016, la Troisième chambre civile de la Cour de Cassation a qualifié l’action en garantie des vices cachés de délai de forclusion (Civ. 3ème, 10 nov. 2016, N°15-24.289 : NPB ; confirmé tout récemment encore : Civ. 3ème., 5 janv. 2022, N° 20-22.670 : PB).

Cette décision a bouleversé les contentieux en cours et postérieurs : si le délai de forclusion, comme le délai de prescription, peuvent être interrompus par une action en justice, en revanche, le délai de forclusion ne peut être suspendu.
Ainsi, en matière immobilière ou pour le contentieux afférent à la vente d’un véhicule, lorsqu’une expertise judiciaire est ordonnée, celle-ci n’a pas d’effet suspensif sur le délai de forclusion, à la différence du délai de prescription (Civ. 3ème., 3 juin 2015, N° 14-15.796 : PB).

Parallèlement, la Première chambre civile a quant à elle maintenu sa position tendant à considérer que le délai biennal de l’article 1648 du Code civil est un délai de prescription, susceptible d’être suspendu par des opérations d’expertise judiciaire (Civ. 1ère., 25 nov. 2020, N° 19-10.824 : NPB ; Civ. 1ère., 20 oct. 2021, N° 20-15.070 : NPB).

Un autre point de désaccord opposent les chambres de la Cour de Cassation : celui de l’encadrement du délai de garantie des vices cachés au regard des délais prévus aux articles 2224 du Code civil, et 2232 du Code civil.

La Première chambre civile et la Chambre commerciale considèrent  en effet que le délai biennal de l’article 1648 du Code civil est encadré dans le délai de prescription de cinq ans suivant la vente (Civ. 1ère., 6 juin 2018, N° 17-17.438 : PB ; Civ. 1ère., 8 avril 2021, N° 20-13.493 : PB ; Com., 16 janv. 2019, N° 17-21.477 : PB).

A l’inverse, la Troisième chambre refuse d’appliquer ce délai quinquennal, estimant que l’action en garantie des vices cachées est encadrée par le seul le délai butoir de 20 ans prévu à l’article 2232 du Code civil s’applique, le point de départ de la prescription extinctive étant fixé au jour de la vente.

La décision rendue par la Troisième Chambre en date du 8 décembre 2021 est un nouvel exemple des distorsions de solutions entre les chambres, qu’il s’agisse de la nature même de la garantie des vices cachés, ou de son application dans le temps au regard des articles 2224 et 2232 du Code civil.
 

En l’espèce

Il s’infère de l’exposé des faits et de la procédure qu’un couple de particuliers a vendu le 13 octobre 2008 une maison et un atelier attenant à cette habitation, lequel était recouvert d’une toiture composée de tuiles.

Selon un procès-verbal d’huissier de justice du 1er avril 2014, l’acquéreur a fait constater des infiltrations dans l’atelier et l’affaissement de la charpente.

Le 16 mars 2015, l’acheteur a assigné les vendeurs devant le juge des référés afin de voir ordonné une mesure d’expertise judiciaire, puis a saisi le Tribunal le 27 septembre 2016 afin d’obtenir le paiement des travaux de réparation et l’indemnisation de son préjudice de jouissance sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Dans le cadre d’un recours formé devant la Cour d’appel, les vendeurs ont soulevé la prescription de l’action de l’acquéreur.


Par arrêt du 14 janvier 2020, la Cour d’appel de Riom a déclaré l’action de l’acheteur irrecevable, considérant que son action est prescrite.

La Cour a retenu que la vente litigieuse avait été réalisée le 13 octobre 2008, si bien que l’assignation en référé signifiée le 13 février 2015, serait postérieure au délai d’action qui était déjà expiré au 14 octobre 2013.

L’acquéreur a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt.

A l’appui, il soutenait que « le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, c’est-à-dire de la conclusion de la vente dans le cas du délai applicable à l’action en garantie des vices cachés ».


C’est le moyen qui nous intéresse.
 

Problématiques soulevées et portée de l’arrêt

Aux termes de l’arrêt rendu, la Cour de cassation procède d’abord à un rappel des textes applicables que sont les articles 1648 alinéa 1, 2224 et 2232 du Code civil :

1. « Selon le premier de ces textes, l’action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l’acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice » ;

2. « Aux termes du deuxième, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » ;

3. « Selon le troisième, le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit ».


La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n’a pas modifié le point de départ de l’action en garantie des vices cachés, lequel reste donc inchangé : il s’agit du jour de la découverte du vice.

En l’espèce, il s’agit du 1er avril 2014, date à laquelle l’acheteur a fait établir un constat d’huissier.

C’est donc au regard du délai biennal fixé par l’article 1648 du Code civil que l’acquéreur a introduit le 16 mars 2015 l’assignation en référé.


Pourtant la jurisprudence citée en préambule et le présent arrêt nous enseignent que ce délai biennal est lui-même encadré par un délai de prescription extinctive à l’intérieur duquel l’action en garantie doit être exercée.

En l’espèce la Cour de Cassation juge que :

« 8. Il est de jurisprudence constante qu'avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la garantie légale des vices cachés, qui ouvre droit à une action devant être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, devait également être mise en oeuvre à l'intérieur du délai de prescription extinctive de droit commun.

9. L'article 2224 du code civil, qui a réduit ce délai à cinq ans, en a également fixé le point de départ au jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui annihile toute possibilité d'encadrement de l'action en garantie des vices cachés, le point de départ de la prescription extinctive du droit à garantie se confondant avec le point de départ du délai pour agir prévu par l'article 1648 du même code, à savoir la découverte du vice.

10. En conséquence, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré, comme en principe pour toute action personnelle ou mobilière, que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit ».



Dès lors :

1. L’action en garantie des vices cachés doit être intentée par l’acquéreur dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou de la date à laquelle il est censé en avoir connaissance ;

2. Le délai de prescription quinquennal est inapplicable à l’action en garantie des vices cachés, précisément parce que les points de départ des deux délais se confondent ;

3. L’action en garantie des vices cachés est encadrée dans le délai de prescription butoir de 20 ans qui court à compter de la vente.


En résumé, l’action en garantie des vices cachés doit donc être exercée dans les deux ans de la découverte du vice, sans pouvoir dépasser un délai de 20 ans depuis la date de la vente.

Cette solution est particulièrement protectrice des intérêts de l’acquéreur.

En revanche, elle fait peser sur le vendeur une épée de Damoclès pendant une période de 20 ans.


Reste la possibilité pour ce dernier de se prémunir d’un tel aléa en insérant au contrat une clause d’exonération de garantie des vices cachés qui pourra être mobilisée si toutes les conditions sont réunies.


Me Eugénie CRIQUILLON

Référence de l'arrêt : Cass. civ 3ème 8 décembre 2021 n°20-21.439

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